the story of my life : o1. ⊱ tout enfant, dans ce coin elle venait toujours se blottir, à petits pas, sans bruit, serrant fort sa poupée contre son visage attristé, elle songeait à qui voudrait bien s'occuper d’elle ; et elle y restait longtemps toute préoccupée, écoutant, retenant, tout ce dont son oreille avait été frappée, pendant que ses parents se déchiraient à coups d'insultes, à coups de poing. o2. ⊱ sans défense, debout, le regard triste et désorienté, le visage et les cheveux tout souillés de poussière, elle contemple, impuissante, sa famille s'éloigner ; et malgré son jeune âge, elle comprend rapidement, sans jamais l'admettre, que ses parents l'ont abandonnée. o3. ⊱ plus tard elle se retrouve, au souffle de la brise, laissant ses cheveux châtains flotter sur son cou nu, courant, criant, chantant, s’enivrant de la vie et du charme inconnu de l’amour maternel ; et sur les genoux de sa nouvelle maman, elle venait toujours jeter son front ardent pour recevoir baisers et caresses. o4. ⊱ aux petits incidents il faut vite s’habituer : hier encore, un dur caillou effleura la joue d’hana en pleurs ; et pendant qu'elle gémissait, l'enfant roi, son frère, le tyran divin, jubilait tout triomphant. jalousie, mépris, rivalité ? l’oeil humide et perdu dans l’espace éthéré, elle craint l'issue finale de cet absurde conflit. o5. ⊱ en vain, le jour succéda au jour, et la colère de son frère fit loi durant ces années bâtées. tantôt sournois, tantôt cruel et contempteur ; haine et violence murant son front lourd ; poing taillé à fendre en deux toutes attaques ; le geste rare et grand dans son hostilité, vibrait à l’unisson des soupirs de la martyre. seule à présent, et pour jamais silencieuse, tourment après tourment, elle se replia sur elle-même, évitant et refusant l'aide des autres. o6. ⊱ cigarette dans la main droite, l'âme perdue sous l'emprise de la solitude, elle fuit poursuivre ses rêves loin du vautour qui se nourrit de ses désillusions ; première fugue, et pourtant elle n'a pas peur, non, elle se sent bien ; son être respire enfin dans ce doux paysage étoilé le sain apaisement de la sérénité. puis, avide de ce doux sentiment, se multiplient les virées nocturnes sous le regard inquiet de ses parents ; la police et les psychologues s'en mêlent ; à nouveau on l'enferme. o7. ⊱ longuement poursuivi par le spleen détesté, hana trouva refuge dans des livres inconnus, puis, avide, elle les lus et relus pendant près de trois ans. patrocle, diomède, le vieux nestor, devinrent les héros de ses nouvelles chimères ; elle en rêvait nuit et jour ; et au milieu de ce bizarre amas de songes et d’histoires, la lumière, en elle, se faisait peu à peu. o8. ⊱ hana redevint ce qu'elle fut autrefois : une enfant insouciante courant comme une idiote sous la pluie, dansant nue sous la lune ; sensuelle et rebelle à la fois, sans case pour l'enfermer, sans phrase pour l’empêcher d’être folle et de vouloir vivre.