Errances nocturnes. Chanhee qui délaisse les clubs où les entrées sont sélectives. Délaisse ses habitudes sur le côté. Les visages de son entourage soudainement en horreur. L’impression d’étouffer. Besoin de liberté. De grappiller le peu qu’il lui reste encore. Sourire fourbe tandis qu’il se perd dans l’ambiance tamisée du club, la couleur de sa carte étouffant les questions sur son âge. Comme s’il n’y en avait pas d’autres des jeunes à la limite de l’indécence à se perdre dans l’effluve de l’alcool et ce rush d’adrénaline de se sentir en vie. Chanhee qui sourit amer, espère que l’alcool lui fera oublier. Espère beaucoup. Enchaine les verres comme quelqu’un qui en a trop vu. Mais quand il danse le sourire qui s’affiche sur ses lèvres lui donne un air charmeur. Et les mains qui se perdent contre ses hanches n’ont rien de dérangeantes. Même quand il finit contre un mur du club, ses mains dans les cheveux bien coiffés de l’inconnu, leurs lèvres dans un ballet sensuel, il se laisse aller à l’étreinte, au baiser. Systèmes d’alarme en berne, l’euphorie le guide. Besoin juste d’avoir un peu l’attention de quelqu’un. Pas pour son nom de famille, pas pour ce qu’il représente. Juste quelqu’un qui le fasse se sentir aimé un instant. Juste un instant. Et il se perd dans la passion contre ce corps ardent. Dans ces draps inconnus, il se perd, la couronne posée volontairement de côté, ses mains manucurées laissant des traces dans le dos de son amant nocturne. Extase comme un point de non-retour, il finit par s’assoupir dans l’étreinte, par se laisser avoir par Morphée jusqu’à ce que le matin pointe. Jusqu’à ce que le monde onirique ne le relâche, la réalité cruelle le reprenant en son sein. Yeux qui papillonnent délicatement, situation qui lui échappe, bribes de souvenirs comme des flashs agressifs, et ce corps au dessus de lui. « Hey … Wake up. » Voix rauque, comme un murmure forcé, tandis qu’il tente de se dégager. Sensation qui lui arrache une grimace quant à l’état de ses cuisses. Le sommeil qui s’évade, la mémoire qui le revient, et les derniers blancs dans sa mémoire qui se remplissent. Réalisation presque humiliante qu’il ait pu dormir comme ça. « Please … Wake up, m’need a shower. » Ses doigts qui s’accrochent sur l’épaule de l’homme encore dans les griffes de Morphée pour le secouer un peu.

Ton chiffre à la clinique se termine pour s’ouvrir sur un week-end de congé bien mérité et déjà on te séduit à aller au restaurant. Tu te laisses tenter par l’idée de retrouver bonne compagnie autour d’un bon repas, une chose en entrainant une autre tu ne saurais dire ce qui pousse ta motivation à accepter d’aboutir dans un bar lorsque la lune t’incite à aller prendre un repos nécessaire. La recharge de tes batteries est repoussée à plus tard, les verres se suivant trop rapidement pour que tu ne puisses les compter. Il y a ses yeux sombres qui captent ton attention à travers la place, faussant présence physique à tes amis pour tailler ta route dans sa direction dans une manifestation claire de courage liquide. Ce n’est ni la première fois ni la dernière que tu ramènes quelqu’un chez toi, que tu ouvres la porte de ton appartement à un inconnu rencontré à travers le manque de lumières. Tu ne poses pas de questions, vivant dans l’instant présent où tu découvres sa peau hâtivement. Moment de passion sans promesses dont seulement les traces de ses ongles resteront pendant les prochains jours. Peut-être que tu marques aussi la sienne de tes dents l’espace d’une seconde, tu n’es pas trop certain. Ce dont tu es convaincu c’est que tu n’as pas aussi bien dormir depuis plusieurs semaines, profondément plongé dans un sommeil qui dépasse l’heure à laquelle tu es normalement debout. La voix tire sur le monde des rêves qui s’efface petit à petit, raideur aux bouts de tes doigts dans un rappel évident que tu as pris un ou deux verres de trop la veille. Il y a même un grognement subtil qui accompagne ton désir de dormir davantage, un privilège qui ne t’est pas accordé alors que l’on termine de mettre ton esprit en éveil. Ta soirée te revient et tu n’es pas spécialement à l’aise avec la réalité que tu n’as pas été fidèle à tes habitudes en te rhabillant un minimum – tu es loin d’être un grand fan de nudité, pas même dans ton lit. Premier mouvement de la journée, tu commences par lui rendre sa liberté du poids avec lequel tu l’empêches de se défiler avant de poser les yeux sur son visage. Des airs familiers, mais il est trop tôt pour dire de quel endroit, alors tu ne relèves pas – surtout que ce ne serait pas le moment le plus approprié. « Ah… Mh, sure. » Tu as surtout l’habitude des gens qui s’éclipsent, qui échangent à peine un bonjour avant de filer. Une paume se frotte au niveau de tes yeux, terminant de chasser l’envie de rejoindre Morphée et tu te redresses en position assise dans ton lit, prenant garde à ce que les draps ne te fassent pas faux bon. « Need anything else beside a towel? »

Les promesses sur l’oreiller ne sont pas ce pour quoi il s’est perdu dans l’ambre et de l’alcool et la passion d’une vie. Il ne veut ni bague aux doigts ni assurance d’un avenir à deux. Non juste l’idée de se perdre dans une étreinte passionnel est suffisante. Pas d’attache. Il n’a rien à offrir. Mais le réveil forcé par l’astre solaire n’est pas sans douceur. Corps contre le sien, au dessus du sien, et il s’évertue à le tirer du monde de Morphée également, ses mains s’éreintant contre ses épaules, sous ses doigts, début des marques qu’il lui a laissées en souvenirs de cette nuit. Et l’homme s’éveille. Difficilement. Grognement entre ses lèvres tandis que Chanhee s’acharne, mots qui s’écorchent entre ses lèvres. Besoin évident de prendre une douche, leurs ébats dans une précipitation certaine de la veille le laissant dans un état qu’il n’était pas sûr d’apprécier au matin. Envies charnelles qui les avaient consumés la veille les laissant en proie à la fatigue, Chanhee avait été le premier à s’endormir dans l’étreinte de l’homme, pour le moins réconfortante. Moins étouffante que maintenant. Mais il se réveille enfin. Amant inconnu qui s’éloigne de lui tandis qu’il délie ses membres de son côté, le laisse à ses pensées, tandis qu’il prend conscience de ses mots. Pudique, plus qu’on ne le croirait il demande une douche, s’impose dans l’appartement de l’homme, mais n’ose bouger de son lit. « Underwear maybe ? » Regard qui dévie tandis qu’il se relève, s’assoit de son côté, et il se décide également à bouger Chanhee. Se redresse contre les oreillers, regard droit sur le sol, gêne quant à sa demande. Et Chanhee il finit par se pencher, attrape la chemise qui traine au sol, pas la sienne. Peu dérangé à l’idée d’emprunter le vêtement, son côté pudique gagnant sur sa politesse, c’était ça où récupérer les draps pour s’enfuir vers la salle d’eau. Chemise passée, il se relève finalement, glisse en dehors du lit. « Could you find my clothes also ? » L’impression de s’imposer. Mais en même temps son visage qui rougit à la sensation poisseuse entre ses jambes. Les idiots. « Your … Your bathroom, where is it ? » Pas du genre à être gêné normalement, Chanhee donnant soudainement des impressions juvéniles, son regard ne sachant se poser quelque part, jambes serrées, ses mains fermant hâtivement les derniers boutons du vêtements.

Malin plaisir de ton corps à te faire le rappel que tu n’as plus la jeunesse exquise de l’adolescence dont le foie fonctionne au top de ses performances, il te faudra plus que quelques secondes pour remettre de l’ordre dans les dernières douze heures. La mémoire ne connait que quelques minces lacunes que tu combles aux mieux de tes capacités, mais il reste l’évidence que tu ne connais pas trop l’identité de l’adorable gueule qui réclame le droit à une douche. Toi, tout ce que tu veux, c’est un verre d’eau. Interrogation rapide s’il a besoin de plus qu’une serviette, tu fais l’inventaire des mouvements requis avant de devoir quitter complètement le lit. S’il s’active de son côté, tu en fais tout autant en cherchant un de tes vêtements qui traine – et t’es plutôt ravi de toujours laisser trainer ton pyjama dans le coin parce que du coup tu mets la main sur un pantalon de jogging. C’est loin du paradis, mais c’est suffisant pour ta pudeur. Tu voudrais omettre certaines évidences sur un manque de corps mort dans la poubelle – et dans ses environs – sauf que c’est plutôt difficile et la réalisation a de quoi faire courir l’horreur sous ta peau. Déformation professionnelle ou non, la panique te démange tandis que tu enfiles la seule pièce de vêtement à proximité et que tu n’écoutes qu’à moitié la réclamation de l’autre pour faire l’emprunt de tes effets personnels. Il y a des éléments pires dans le monde que d’oublier de se protéger. La guerre et la famine, par exemple, donc tu ravales tes scénarios catastrophiques qui veulent bercer ta conscience pour plutôt prendre direction des tiroirs en jetant un regard des plus rapides à la silhouette de l’autre jeune homme. Ça devrait lui faire. Pas aussi bien que les siens, évidemment, mais c’est au moins ça de gagné que de ne pas avoir à prendre deux douches à quelques heures d’intervalles. En lui offrant un sous-vêtement, tu tâches de garder les yeux en haut de la ceinture, activité plutôt simple puisque tu fixes longuement la chemise qu’il porte puisqu’elle t’appartient. L’image est adorable. Un peu trop. Assez pour te pousser à regarder ailleurs aussitôt, profitant de sa nouvelle demande pour te trouver une raison de t’activer. « Yeah, no problem. Leave the door unlocked and I’ll bring them to you. » Pendant un instant, ça ne te traverse même pas l’esprit que t’as oublié de lui indiquer son emplacement et tu te sens bien con quand il demande des directions. « Ah, true. First door on your right. You can use everything, I don't mind. » Ton appartement n’est pas bien grand, il est donc plutôt difficile de s’y perdre et toutes les pièces sont plus ou moins rattachées aux autres. Considérant que tu  as souillé son intérieur, il peut bien se permettre de fouiller tes armoires et voler de ton gel douche.

Restes de dignité comme le linceul d’une soirée alcoolisée de trop, et pourtant il enfile une chemise qu’il ne lui appartient pas. Suit les ordres de son corps, réclame une douche avant d’avoir ce genre de discussion gênante qui vient toujours après les perditions dans les draps. Et il tente de faire comme si de rien n’était quand il se lève Chanhee. Jambes pourtant serrée à la sensation désagréable de la semence de l’inconnu entre ses cuisses. Lèvres pincées, le regard qui fuit, s’échappe et voilà qu’il perd la maturité que lui donne son aura habituellement. Plus que gêné il n’est au final qu’un gamin de dix-sept ans. Ses doigts qui attrapent le bien demandé et son regard qui dévie au dessus de l’épaule de l’homme tandis qu’il s’arrête un instant devant lui. Autre question entre ses lèvres, presque un caprice de pouvoir avoir ses vêtements, la douche l’emportant vraiment sur le reste, il ne peut s’empêcher en l’entendant lui dire qu’il pouvait utiliser ce qu’il voulait, qu’ils étaient étrangement domestiques. Trop. Demi-tour raide, il s’échappe de la situation qui lui glisse entre les doigts, fini vite dans la salle de bain, sa main en arrêt au dessus du verrou. Les habitudes ont la vie dure. Soupir, il laisse la chemise pliée sur le bord du lavabo, avant de finir enfin dans la cabine de douche salvatrice. Yeux fermés il se permet un temps d’oublier qu’il est en terrain inconnu. Assez pour en oublier le temps. Assez pour ne pas l’entendre entrer dans la pièce. Sensation d’être propre ses vêtements passés, lors qu’il sort de la salle de bain, Chanhee a déjà un peu plus de fierté. L’allure moins enfantine, moins gênée même s’il ne sait toujours pas où se mettre. Serviette en main, il finit de sécher ses cheveux, une question qui lui brûle les lèvres. « What … What are we doing now ? » Le ‘nous’ utilisé le dérange, domesticité et liens qu’ils n’ont pas vraiment. « Ah … by the way … what’s your name ? » La question qui le taraude depuis le début, l’impression de connaître ses traits autrement que dans les vapeurs de l’alcool et sous les néons d’un club. Sans pour autant oser s’avancer là dessus.