On entendait un bruit sourd vers les escaliers, quelqu'un venait de tomber. Tout petit, tout minuscule qu'il était, Jihun avait réussi à se lever de son lit, et à marcher vers le salon, tout en bas, sa mère était étalée, allongée, il y avait sûrement du sang sur le parquet. Son père lui ordonna de rentrer dans sa chambre, dans la peur et l'incompréhension, l'enfant s'exécutait, mais l'incompréhension venait le gagner. S'il tendait suffisamment l'oreille, il pouvait entendre son père, au téléphone, complètement paniqué, mais lui, tout petit qu'il était, à seulement deux ans, il ne comprenait rien, il espérait juste que rien de grave n'arriverait.

Il fut compliqué pour son père de lui expliquer que sa mère ne reviendrait jamais, qu'elle était décédée. D'après le légiste, il s'agissait d'une crise cardiaque, et cela était vraiment étrange, elle était pourtant en parfaite santé.
Quelques mois après cette tragédie, Jihun et son père s'envolaient vers les Etats-Unis, c'était pour le travail, mais surtout pour démarrer une nouvelle vie, et Jihun ne comprenait pas, mais il n'avait pas d'autres choix, il devait suivre son papa.

- Je te présente Alexandra, et son fils, Théo, ils vont vivre avec nous maintenant.

Jihun grimaçait, il n'avait que quatre ans, mais à présent, il savait saisir toutes ces informations. Il n'avait vécu qu'avec son père pendant deux ans, et d'un coup, tout cet équilibre se voyait menacé, il n'était pas vraiment content. Il fallut un moment pour l'apprivoiser, pour qu'il accepte enfin ces deux étrangers, finalement, ils n'étaient pas si méchants, Jihun se surprenait même à les apprécier, et, au fil des mois, au fil des années, les quatre êtres formaient une parfaite famille, tous s'entendaient.

Le jeune garçon avait toujours reçu tout l'amour que l'on pouvait lui apporter, il était particulièrement chouchouté, jamais on ne pouvait dire que son enfance ait été marquée par l'injustice ou la tristesse, il était un enfant heureux, avec ses forces et ses faiblesses, il était un garçon normal, enfin à peu près, on le diagnostiquait rapidement hyperactif, et on ne savait pas comment le gérer. Il passait alors plusieurs années, à moitié défoncé par les cachets, avant que quelque chose vint le sauver.

Et ce quelque chose, c'était la natation.

On lui avait proposé d'en faire, à l'école primaire, juste pour tester, pour qu'il ait une activité, pour parer à son ennui, et parce que son médecin le lui avait conseillé. C'était sans trop de conviction qu'il avait accepté d'essayer. Dès les premiers instants, quelque chose s'était passé, et ce fut le début d'une longue histoire entre lui et cette discipline. De ses six ans jusqu'à aujourd'hui, il n'a jamais pu arrêter, il avait même fait des compétitions, il était vraiment passionné.

Dans la foulée, il arrêtait les cachets, il était enfin un garçon comme les autres, à la seule différence qu'il rayonnait, sa vie avait changée.
On lui offrit ensuite, pour son dixième Noël, un énorme livre qui relatait toute l'Histoire du Monde, dans des textes à sa portée. C'était un magnifique ouvrage qu'il avait dévoré en si peu de temps. Il s'était alors découvert une seconde passion, l'Histoire, et il l'alimentait chaque jour de plus en plus, adorant regarder des documentaires et étudier de vieux livres, de vieux récits, pour savoir comment les gens vivaient à des époques différentes de celle-ci.

Il découvrit assez tôt sa bisexualité, vers ses quatorze ans, à peu près. Il avait mis du temps à la comprendre, à l'assumer, de nombreuses questions se bousculaient en lui à cette période, et on remarquait à quel point il avait changé. Il savait qu'il plaisait, et il voulait en profiter. C'était un peu étrange, au départ, de constater à quel point il faisait l'unanimité, il n'était pourtant pas parfait. Il sortait parfois avec un garçon, parfois avec une fille, il ne mit pas longtemps à l'avouer à sa famille, il ne voulait pas se cacher, il n'en voyait pas l'intérêt.
La nouvelle fut un peu compliquée à avaler, surtout pour son père, qui était un peu choqué. Pendant quelques semaines, c'était comme si le dialogue entre eux s'était évaporé. Heureusement, le temps avait bien fait les choses, et, petit à petit, ils parevenaient à se reparler, et son père l'acceptait, tout ce qui comptait, c'était le bonheur de son fils, il ne voulait pas l'arrêter.

L'année passée, une nouvelle envie avait traversé son esprit. Depuis toujours, il ressentait comme un manque, comme un vide en lui, il savait très bien d'où cela lui venait, et il n'y avait pas à en faire un drame, mais il voulait réparer ce trou, il voulait tout combler, car il pensait que tôt ou tard, ça l'empêcherait d'avancer.
Après de longues conversations avec son père, et énormément d'organisation, il décidait de repartir dans son pays d'origine, renouer avec ses racines, c'était peut-être temporaire, peut-être pour toujours, il n'avait pas encore pris le temps d'y penser. Il allait intégrer cette année le lycée Cheonan, mais la peur ne venait pas le gagner, il savait que tout se passerait bien, il n'y avait pas de quoi stresser.