dans la pénombre, deux mains qui se tendent vers le ciel. ce tissus noir se décollant de ta chair, ce simple habit qui se glisse sur ta peau pour découvrir tes travers. peau dessinée de cercles rouges et de traits abstraits, comme une toile dessinant ton passé. un souffle dans ton dos, des doigts fins parcourant ces souvenirs gravés. et ce silent apaisant laissant deviner cette question qu'elle aurait voulu laisser échapper d'entre ses lipes serrées par la peine. "qu'est-ce qu'on t'as fait guowei ?" une devinette à travers la nuit. sans attendre aucune réponse. sans laisser aucun indice sur cet enfer sur terre qui te paralyse. et ces bouts de vie auxquels tu tentes d'échapper renaissent en toi comme un terrible cauchemar dont on ne se défait pas.

une nuit de plus sur les toits de kowloon, ou la misère fait rage, cachée par les lumières des restaurants et ces corps qui continuent de vagabonder à travers les gratte-ciels du grand hong kong. une richesse assumée qui écrase les plus faibles. ce corps frêle continue de jouer avec la vie. funambule d'un soir. la roulette russe des pauvres, à te jouer de la vie en gardant cet équilibre sur le rebord d'un toit. bras tendus, visage enfoui sous ces perles d'eau d'un gamin en détresse. mais il n'y a personne pour le voir. personne pour te sauver de ce tourbillon infernal. joueur, aventurier, sans même te demander si un jour, cela se terminera.

deux corps qui se découvrent. des sentiments qui s'emparent de l'obscurité pour dévoiler une nouvelle facette de cette vie absurde. de ce coeur qui palpite, de ces frissons parcourant ce corps abîmé, tu te découvres. sous un nouveau jour, là ou une lueur d'espoir naît à travers la lune. les étoiles disparues qui reprennent place dans ce ciel criard d'envie, de bonheur incertain. mais toujours cette pointe d'appréhension, cette sensation que tout cela ne durera pas. que ce coeur esseulé ne sera jamais assez bon pour aimer, être apaiser. l'envie pourtant d'y croire, le temps d'une nuit. le temps que le monde se remette à tourner. que la machine à rêves se remette en route pour le meilleur, mais aussi pour le pire.

le bruit du cuir s'écrasant sur ce dos arrondi par la peur. un enfant torturé par ces jours qui passent, qui se ressemblent. le regard noir de ce monstre dont on ne sait rien. monstre qui vagabonde le jour, monstre qui boit pour finir ses nuits la ceinture à la main. seule manière de parler. seule manière de communiquer. un homme qui s'est transformé en méchant, face à un gamin qui n'a pourtant rien demandé. gamin qui souffle dans un silence sourd. gamin dont les gémissements résonnent sans qu'on ne les entende. gamin dont la seule envie est désormais de fuir, s'échapper de cette île aux milles lumières. mais les espoirs se font vains et les rêves oubliés semblent finalement ne pas vouloir revenir.

deux âmes consummées par le feu. deux corps séparés par la douleur. et ce sentiment d'abandon qui renaît d'entre les cendres, tel le phoenix annonceur de mauvaise augure. et le manque ne saurait être exprimé. à se retrouver comme au premier jour, au bord du gouffre. à se retrouver tel l'enfant funambule que tu étais, que tu seras toujours. un amour vaincu. un amour disparu. des sensations qui s'estompent avec le temps, mais la fraîcheur des premiers jours ronge la chair jusqu'à l'effondrement. et de cet air blasé tu te caches, éternellement. comme un gamin qui ne veut pas comprendre, qui ne veut pas grandir. comme un gamin qui refuse l'idée même qu'on l'a laissé livré à son propre sort, et qui continue de vivre.

ces jambes qui vascillent, une annonce dans un micro, une voix paisible qui attise la curiosité de ces voyageurs. un billet en main, quelques vêtements comme simple bagage. toi qui avait cru pouvoir t'en sortir, a décidé de fuir. muré dans un silence adolescent, de ces lipes qui n'osent offrir aucun son. à retrouver une famille qui n'en est pas une, à croire que l'on peut oublier, les méfaits du passé. mais la tristesse dans ce regard ne dupe personne sauf toi-même. un long chemin reste à traverser. de cette descente aux enfers tu espères simplement te sortir, et pour le reste, on verra bien demain.