Y avait déjà un an que t'étais dans ce bahut. Tu t'étais calmé, tu avais pris de la distance avec cette violence qui s'écoulait dans tes veines, et pourtant, parfois, ça te démangeait. Mais tu apprenais à canaliser, à défouler autrement. La peinture, le dessin, n'importe quoi. Il arrivait des moments où tu étais tellement en colère, tellement expressif que tu finissais par appuyer trop fort la mine sur les feuilles. Tu faisais des tâches ou des trous, tu jetais à la poubelle le résultat. Ce n'était pas beau, mais ton idée de base n'était pas que ça le soit, c'était juste pour extérioriser.

La fin de la journée s'annonçait, tu passais tranquillement dans les couloirs, les mains dans les poches comme d'habitude, sauf qu'en passant dans la grande cour, t'avais entendu du bruit. Des sons que tu reconnaissais trop bien, et puis, juste curieux au départ, tu avais été voir. Y avait un type avec une gueule de gamins de 14 ans qui se faisait emmerder par un autre gars, bien plus grand, bien plus large. Tu haussas les sourcils, parce que tu connaissais cette situation. Tel le justicier que tu n'étais pas, tu t'avanças pour t'appuyer contre le mur. Sans chercher les histoires, éviter la baston, c'était ce qu'on t'avait dit, tu attrapas ton téléphone pour commencer à filmer la scène.

Bah non, tu ne cherchais pas les histoires, mais c'était clair que ce petit après ça, ne se ferait plus emmerdé. Et puis, il y avait eu ce moment où finalement on avait remarqué ta présence, ce moment où le type grand et large s'était retourné pour te demander ce que tu étais en train de faire. Tu haussas les épaules. Putain, il était encore plus con que toi, lui. C'était pourtant évident.  « Je vais t'apprendre la vie. » Il tiqua d'abord, parce qu'il ne comprenait pas ce que tu disais. Et puis, tu t'étais senti obligé de développer.  « Tu vas avoir des emmerdes avec ce que j'ai filmé- » Tu t'arrêtas en levant le bras en l'air, ton téléphone en sûreté. Il avait beau se la jouer malin, t'étais quand même plus grand que lui. La muscu ne fait pas tout hein, faut se le dire.  « T'arrêtes tes conneries et tu te trouves une autre occupation, sinon je te démonte. » T'avais un peu cherché, il balança son poing sur ta mâchoire, mais celui-ci fut bloqué par ton bras. T'aurais un ématome, ce con avait de la force merde. Mais un coup de genoux dans le ventre, et il était plié au sol. Tu avais ce sourire fou sur les lèvres, ah ça faisait longtemps. Tu t'acharnas sur lui, mais le bruit de vos ébats attirèrent l'attention. Et ce n'était pas pour te soutenir qu'ils étaient là, non, mais bel et bien pour te péter la gueule.

Bon apparemment, ce type n'était pas seulement mou du genou, mais aussi extrêmement lent du cerveau, encore plus que toi, c'était un fait. Bon, après, quand il s'agissait de bagarre, t'étais plus agile et plus souple, plus enclin à rendre des coups, plus violent, sans pitié. Tu voyais des injustices partout, et surtout que ce pauvre petit semblait totalement désemparé face à la situation. Lorsque les gars arrivèrent, tu n'essayas pas de les compter, tu savais que ça finirait mal, mais le fait de voir que tu n'avais quasiment rien pris, mais que l'autre peinait à tenir debout, à se relever même ou se tenir droit te rendait fier. Tel un petit délinquant que tu étais, tu avais souri. Tu t'étais déplacé devant le petiot et lui avais demandé de partir. Il n'était pas utile qu'il reste, ça allait être moche pour la suite, et puis quitte à être héro, autant garder cette image avant de te faire démonter complètement.

Quand tu regardais ces mecs ramasser leur pote passer à tabac, ils s'étaient énervés. C'était bien ta veine tiens, la prochaine fois, maybe, tu réfléchiras avant de courir à la rescousse de quelqu'un. En même temps, tu n'avais fait que filmé, tu n'avais pas cherché les problèmes en premier. Tout ceci, était une logique qui te ressemblait bien. Tu poussas un soupir, passant tes doigts dans tes cheveux pour les tirer vers l'arrière, et puis y a un gars qui a débarqué. Tu l'as regardé, tu te demandais ce qu'il foutait là, à moitié à poil, avec l'impression que tout ce bruit, cette agitation le dérangeait. Tu n'avais pas non plus choisi d'être dans la merde à ce point. Tu continuas de le fixer cependant, et il s'était passé un truc, tu n'avais pas compris quoi, mais quand le premier mec s'est avancé vers toi pour te foutre un coup, tu savais que tu ne serais pas seul.

@Kwon Jason

Tu poussais un soupir désabusé. Franchement, cette situation, tu aurais bien voulu l'éviter. Mais rester les bras croisés alors qu'un gosse se fait bisuter, non, ce n'était juste pas toi. Tu te devais d'agir contre les injustices de ce monde, telle était ta philosophie. Tu te trouvais bien bête quand même parfois. Maintenant, tu te retrouvais dans de beaux draps, et bientôt, sans doute, seraient-ils tâchés de ton sang. Tu te battrais cependant comme un lion, histoire que cette scène soit marquée par leur sueur également. Dans ta tête, un nouveau tableau se peignait. Ce n'était pas différent, l'inspiration te venait. Mais pour que tu puisses le dessiner, le colorer, il fallait que tu t'en sortes, et qu'ils ne touchent pas tes doigts, ce qui restait tout de même assez difficile en soi. Une bagarre, ça démonte des mains, et ça fait des bleus. Tu ne paniquais pas, seule ton expression lasse et infaillible répondait à leurs sourcils froncés et leurs cris de rage. Ah, tu avais envie de dessiner.

Tu étais sorti de tes pensées, quand un type débraillé était arrivé. Tu l'as regardé, et as commencé à esquiver les coups. Tu n'avais pas peur, ce n'était pas ta première bagarre, loin de là. Tu en avais eu tellement, que tu ne pouvais plus les compter sur tes doigts. Cependant, il t'était arrivé d'avoir les poignets en sale état, et donc incapable de dessiner, ou de tenir un pinceau. La fin de ta vie avait frappé à ta porte ces fois-là. Un petit sourire étira tes lèvres à l'entente des mots de ce type qui venait à ta rescousse. Finalement, peut-être que tu pourrais t'en sortir. De toute façon, il le fallait. Tu haussas les épaules, comme la signature d'un contrat, d'un commun accord, et t'engageas parmi les brutes devant toi. Brutes aussi fines que des baguettes. Après tout, on est en Corée du Sud, on n'oublie pas que les coréens lambda ont un corps de baguette de pain française. Cela ne devrait pas être compliqué. Un coup sur ta mâchoire qui la fit craquer dangereusement, puis un autre que tu paras au dernier moment de ton avant-bras, avant que tu n'aies le nez pété. Tu avais la rage. Tu avais un style de combat étrange, puisque tes mains n'étaient jamais vraiment sollicitées, afin d'éviter les punitions psychologiques de ne pas pouvoir dessiner ensuite, mais en contrepartie, tu étais agile sur tes deux jambes, alors les coups de genoux étaient fréquents.